Taux directeur: Incertitude du marché avant le conseil de BAM
Stock Market Jeudi 11 Decembre 2025

Taux directeur: Incertitude du marché avant le conseil de BAM

**La Banque centrale face au dilemme : préserver les acquis en dépit d’une inflation historiquement basse**

Une récente note d’analyse émanant du bureau de recherche BKGR a mis en lumière les attentes des acteurs financiers concernant la politique monétaire marocaine, révélant un consensus marqué. En effet, une écrasante majorité des sondés (80%) anticipe un taux directeur cible de la Banque centrale fixé à 2% d’ici 2026. Parallèlement, l’optimisme reste intact quant au marché actions, considéré par la totalité des participants comme le marché à privilégier dans leur stratégie d’allocation.

La décision imminente de la Banque Al-Maghrib (BAM) s’inscrit dans un contexte où la dynamique économique nationale se renforce, tout en restant soumise aux incertitudes qui pèsent sur l’échiquier mondial. D’après BKGR, l’économie marocaine maintient une trajectoire solide, tirée par la reprise vigoureuse des secteurs non agricoles et une perspective positive pour la production agricole. Cette croissance est actuellement soutenue par une inflation exceptionnellement faible. À l’échelle internationale, en revanche, les risques géopolitiques et les orientations des politiques monétaires des grandes banques centrales, notamment la Réserve fédérale américaine, continuent de limiter la visibilité.

**Perspectives de Croissance et Révisions à la Hausse**

Bank Al-Maghrib projette une croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) de 4,6% pour l’année 2025. Cette performance sera alimentée par les efforts d’investissement public, l’avancement des grands chantiers d’infrastructure et une demande extérieure soutenue. En 2026, l’expansion devrait se modérer légèrement à 4,4%.

Ces projections reposent sur une hypothèse agricole prévoyant une récolte céréalière de 41 millions de quintaux en 2025, puis un rebond à 50 millions en 2026, tandis que les secteurs non agricoles devraient maintenir un rythme de progression stable autour de 4,5% sur les deux exercices.

Affichant des indicateurs conjoncturels jugés particulièrement favorables, le bureau de recherche de BKGR se montre plus optimiste et rehausse légèrement ses propres estimations. Il table désormais sur une croissance de 4,5% en 2025, avec une accélération notable à 5% dès 2026.

**Inflation : Niveau Inédit et Risques Structurels**

L’environnement inflationniste est actuellement au plus bas, enregistrant un niveau de seulement +0,1% en glissement annuel à la fin octobre 2025. Il s’agit d’un plancher inédit depuis mars 2021. L’inflation sous-jacente a également confirmé cette tendance, reculant de 0,2% sur un mois, selon les données compilées par BKGR.

Néanmoins, la note d’analyse identifie plusieurs facteurs externes et internes qui pourraient générer une pression haussière persistante sur les prix. Parmi ces risques, on retrouve l’évolution potentielle des mesures tarifaires américaines, susceptible d’influencer les prix des matières premières. Viennent s’ajouter la poursuite des perturbations maritimes en mer Rouge et la volatilité inhérente aux marchés agricoles internationaux. Sur le plan domestique, l’éventualité d’une seconde phase de décompensation du gaz butane demeure un risque identifié, même si le gouvernement a précisé que cette mesure ne serait pas appliquée en 2026.

**Finances Publiques et Marché du Crédit : Vers une Amélioration du Déficit**

Sur le plan budgétaire, les chiffres de la fin octobre 2025 témoignent d’une gestion plus efficace que prévu par la loi de finances. Le déficit s’établit à 55,5 milliards de dirhams. Cette performance est soutenue par une hausse de 16,4% des recettes ordinaires, tandis que les dépenses ont progressé de 17,5%. Un élément clé de l’amélioration est la diminution des charges de compensation, qui ont été limitées à 10 milliards de dirhams.

Selon les projections de BAM, relayées par BKGR, le déficit devrait se stabiliser autour de 3,9% du PIB en 2025, avant de s’améliorer de manière significative pour atteindre 3,4% en 2026.

Parallèlement, le marché du financement maintient une dynamique positive. L’encours total du crédit bancaire a progressé de 4,9%, atteignant 1 188 milliards de dirhams en octobre. Le taux débiteur moyen a également affiché un recul, s’établissant à 4,85% au troisième trimestre, soit une baisse de 36 points de base en glissement annuel. Sur le marché obligataire, si la tendance baissière des taux primaires s’est prolongée ces derniers mois, on a récemment observé un léger regain de tension sur les maturités courtes et moyennes, un phénomène lié à un contexte budgétaire qui requiert davantage de ressources.

**La Prudence Monétaire Recommandée**

Dans un environnement caractérisé par une inflation quasi-nulle et des besoins persistants de financement pour l’économie, une réduction du taux directeur de la BAM pourrait être théoriquement justifiée.

Cependant, les analystes de BKGR estiment que la prudence doit prévaloir. Les incertitudes externes conjuguées à la nécessité de consolider les récents signaux positifs sur l’économie militent en faveur d’une approche attentiste de la Banque centrale. Le scénario d’un maintien du taux directeur s’impose ainsi comme l’hypothèse la plus probable, selon la note. Cette posture permettrait de préserver les marges de manœuvre de la BAM en prévision de 2026, année charnière marquée par la transition attendue vers un régime de ciblage de l’inflation.